Certains embrassent les arbres, les enlacent, leur parlent, moi quand mes copines ne vont pas bien, je les emmène à la plage marcher sur les feuilles mortes de Posidonie. C’est aussi bien que le divan d’un psy. Lorsque je me suis mise à écrire en 2003, j’avais mis sur la 4^ème de couverture de mon premier roman, Lettres à un monsieur : Les mots d’amour soignent les maux d’amour. Aujourd’hui, 14 ans plus tard, j’ai toujours la même ambition de soigner avec mes mots. Je rêve de devenir une vieille dame digne que les uns et les autres viendraient voir pour s’apaiser, se révéler, se consoler, comprendre, pardonner, accepter, refuser, apprendre à dire non, se séparer, fuir ou au contraire revenir et présenter ses excuses. Et la posidonie comme les arbres, témoins de la mémoire de la terre et de la mer sont un précieux allié pour inciter à la confidence et aider mes amies à trouver le sens qu’elles veulent donner à leur vie. C’est très agréable, presque régressif de marcher sur ces feuilles mortes, c’est tout mou, on s’enfonce de plusieurs centimètres, parfois même jusqu’aux mollets. C’est très drôle. On rit. Ça fait du bien. C’était beau de voir Emma retrouver le sourire sur son visage tuméfié plein de larmes.

– Pourquoi tu ne proposes pas à ton mec de s’inscrire comme bénévole à une Association de Femmes Battues ?

– Il prendrait cela pour de la provocation et ce serait direct une paire de claques, soupire-t-elle.

– Et pourquoi ne le quittes-tu pas ?

– Je l’aime.

– Tu aimes te faire taper ?

– Non, mais il souffre, c’est un homme qui ne parle jamais de lui, du coup, voilà, quand il est à bout, je suis son sas de décompression.

– Un homme qui a tapé une fois, recommencera, et un jour, il te démontera la tête, une de mes amies a eu les cervicales cassées à cause d’un amoureux violent. C’est ce que tu veux ?

– Non, je veux l’aider à changer.

– C’est tout à fait louable de ta part, mais les gens ne changent que s’ils le désirent, en revanche tu peux te demander pourquoi tu acceptes cela ?

Puis nous avons couru comme des enfants sur les feuilles mortes de Posidonie pour réparer les blessures qu’elle et moi et son compagnon n’avions toujours pas réparées.

Sylvie Bourgeois

Les pires tyrans sont ceux qui savent se faire aimer. Spinoza