Paul Watson et Sea Shepherd au château de la Mole
D’habitude quand je rentre de Ramatuelle où j’aime aller nager hors saison, je raconte à mes amis la douceur de l’eau, les sangliers qui détruisent les jardins, le sable de l’Escalet aussi blanc que celui des Maldives, les charançons rouges qui bouffent de l’intérieur les palmiers jusqu’à les faire mourir, ce qui me provoque un véritable déchirement chaque fois que j’en aperçois un marqué d’un point marron qui signifie qu’il va être bientôt abattu. Mais depuis mon dernier séjour, je ne parle plus que de permaculture, de biodiversité, de vision holistique, d’agroécologie, de cultures sur buttes, de compostes, de résilience écologique.
En effet, j’ai été reçue au château de la Môle qui démarre un projet d’intérêt général pour devenir une sorte de « Villa Médicis » de l’agroécologie. Ses nouveaux propriétaires, Patrice de Colmont et sa sœur Véronique (propriétaires également du Club 55), avaient mis à disposition leurs jardins, les 12 et 13 septembre, pour recevoir l’opération Dessine-moi une tomate créée par l’association Colibris Golfe de Saint-Tropez qui fêtait ses 1 an. L’ambiance était joyeuse. 160 bénévoles ont accueilli plus de 2 500 visiteurs. Ceux-ci ont pu écouter des conférences et des tables rondes sur les techniques agricoles respectueuses de l’écosystéme, échanger avec les représentants de différentes associations, faire participer leurs enfants aux nombreuses animations, acheter des légumes ou du miel aux stands des paysans, certains sont même repartis avec un poussin issu d’une race de poule ancienne très jolie avec ses grosses pattes exagérément fournies en plumes.
Pendant ces deux jours, – même si je suis depuis longtemps vigilante sur la provenance et la qualité de mon alimentation et que dans mes romans, mes héroïnes militent toujours (à leur façon et avec leur dialectique) contre les dérives et les dangers des pesticides et autres techniques de rentabilité qui épuisent nos sols, j’ai beaucoup appris. J’ai appris que l’homme a besoin du ver de terre pour vivre mais que le ver de terre n’a pas besoin de l’homme, que les semences OGM sont un crime contre l’humanité, que le requin est l’animal le moins meurtrier comparé, par exemple, au moustique, qu’un végétalien qui roule en voiture pollue moins qu’un carnivore qui circule à vélo, que 40% des poissons pêchés servent à nourrir d’autres animaux, que les cochons mangent plus de poissons que les requins, que 80 millions de requins sont tués chaque année, qu’une baleine défèque 3 tonnes de déchets par jour qui servent à nourrir le plancton, que 300 000 baleines ont été décimées au XXème ce qui a entraîné une réduction de 50% du plancton.
J’ai également été séduite par la bienveillance et la volonté de préserver les ressources naturelles de notre planète, qui s’émanaient de chacun des intervenants venus expliquer son parcours et son action.
J’ai ainsi écouté André Huber qui a radicalement changé de vie pour se consacrer à l’Association Partager la terre. Malgré la fatigue accumulée durant ces dernières années sans congé, son sourire donne envie de suivre sa voie. Et aussi Daniel Vuillon, le fondateur de la première Amap, Mickaël Latz, le maire de Correns, le premier village bio de France et bien sûr le Capitaine Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd qui, avec ses gros bateaux, sauvent les baleines, les requins, les tortues, les phoques et les dauphins.
Tout allait bien, je venais d’embrasser un énorme tilleul bi-centenaire, quand un bonhomme, sans doute attiré par le député et le nombre de maires de la région présents, m’a demandé en ricanant si je cautionnais ce genre d’alimentation.
— C’est-à-dire ? je lui ai répondu.
— Allons, vous m’avez compris.
— Ben… non.
— Avouez qu’ils sont quand même très naïfs.
Réalisant que la conversation risquait de devenir laborieuse, je lui ai raconté comment lors d’un immense feu de forêt, un tatou s’était moqué d’un gentil colibri qui portait de l’eau dans son tout petit bec et la versait sur les flammes. Pfut ! Ne te fatigue pas l’ami, avait dit le tatou. Ça ne sert à rien. Tu crois peut-être qu’avec tes quelques gouttes, tu vas arrêter l’incendie ? Je ne sais pas, avait répondu le colibri, mais je fais ma part !
C’est d’ailleurs à partir de cette légende amérindienne que Pierre Rabhi, agriculteur biologiste et écrivain (je vous recommande vivement la lecture de ses ouvrages, et plus particulièrement Vers une sobriété heureuse), a créé Colibris en 2007.
Et comme je ne voulais pas gâcher mon plaisir d’être là, j’ai adressé au monsieur un joyeux sourire et je suis partie caresser un bébé oie qui ressemblait étrangement à un canard.
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