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Se parler par télépathie

Nous sommes le 7 juillet 2016, il est 11 heures du matin, je suis dans le Sud, allongée sur mon lit, triste, je pense à ma mère, décédée le 7 juillet 1997, à 13 heures, huit mois après la mort de mon père, le 4 octobre 1996. Ma fenêtre est grande ouverte sur les collines de la vallée de La Mole, nichée au cœur du massif des Maures, un spectacle sublime qui n’arrive pas à me consoler de mon chagrin de ne plus avoir mes parents à gâter. J’adorais leur ramener des tas de cadeaux dès que je venais les voir, leur offrir des beaux habits, des cachemire pour mon père, des chemisiers en soie pour ma mère, les inviter au restaurant, au théâtre à Paris, au Festival de Cannes. J’aurais aimé aussi qu’ils sachent que j’avais enfin arrêté mon métier dans la communictaion et que j’étais devenue écrivain. Que j’avais déjà publié neuf romans. Et chez des grands éditeurs. Que je leur avais dédié mon recueil de nouvelles Brèves enfances. Qu’il n’y a pas une journée sans que je ne pense à eux. J’aurais aimé aussi leur dire que je les remerciais de m’avoir appris et donné le goût de la liberté. Que j’espère leur ressembler dans leur générosité, leur humour, leur force, leur courage, leur originalité. Que grâce à leur amour, je ne connais pas la jalousie, ni la peur, mais que j’excelle dans la bêtise de ne pas savoir me défendre lorsque l’on m’agresse ou que l’on me fait du mal. Mais que, finalement, je suis assez fière de savoir oublier très vite ces moments désagréables, douloureux et humiliants, pour retrouver presque instantanément, après quelques larmes, ma joie, ma meilleure amie.

 

Je suis en train de me dire que j’aurais également aimé connaître leurs visages ridés, mes parents sont morts à 70 ans, ils n’ont pas eu le temps de vraiment vieillir, quand soudain le couple de rolliers, ce sont des oiseaux turquoise, ma couleur préférée, que je vois depuis quelques jours s’amuser dans les branches de l’immense platane, planté par la maman de l’écrivain-aviateur Antoine de Saint-Exupéry lorsqu’elle était enfant, entrer dans ma chambre, faire deux ronds au-dessus de ma tête, puis repartir aussi calmement qu’ils étaient venus. Émerveillée par leur signe d’affection, de compassion, d’amour, ils étaient peut-être mes parents ou envoyer par eux ou en connection avec eux ou en connection avec ma peine, quoiqu’il en soit, émerveillée par tant de beauté, encouragée par ce signe, je me suis levée et suis partie nager dans ma Méditerranée adorée et réparatrice, j’étais en paix, rassurée, sereine, heureuse, ma journée pouvait commencer, mes parents seront toujours dans mon coeur.

Sylvie Bourgeois

Manoëlle Gaillard lit un extrait d’En attendant que les beaux jours reviennent, de Sylvie Bourgeois (signé Cécile Harel aux Éditions Les Escales, éditrice Véronique Cardi)

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