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État des lieux

Sylvain Ordureau se définit comme un Serial entrepreneur. Sa Start-Up Vizua, créée aux États-Unis avec des filiales au Canada et en France, propose ses compétences pour le cinéma en réalité virtuelle, en streaming de contenus, en transports de données (VOD), mais aussi pour la médecine, les musées, les collectionneurs d’œuvres d’art, les fouilles archéologiques… Ses principaux partenaires sont Microsoft, 3D Systems, Orange.

Le Problème

« Un litre de jus d’orange (pur jus) en bouteille = 2 litres d’eau polluée ». Le ton était donné lors d’une de ces conférences estivales du sud de la France où se réunissaient quelques scientifiques et des journalistes afin de débattre sur le climat et l’écologie en général. Les bouteilles en plastique jonchaient les tables des conférenciers. Ironie de l’histoire, comme souvent, l’un des sponsors étaient précisément une de ses marques de boissons qui communiquent beaucoup sur les échanges entre l’homme et son environnement mais qui fait moins dans l’écologie que dans la course au profit. Car, oui, c’est bien là, un des problèmes majeurs. Comment peut-on enseigner la pleine conscience du rapport entre l’homme et la nature tout en ayant des objectifs dont les principales valeurs sont la performance et le profit ? Je n’ai pas vérifié si en effet 1 litre de jus d’orange polluait 2 litres d’eau mais une chose est sûre, le rendement économique n’est pas le même que le rendement écologique. Prenons des oranges d’un pays éloigné, pour le transport on va retirer l’eau et la pulpe pour concentrer le jus et optimiser ainsi le transport. On gâche une bonne partie du fruit et on détruit ainsi ses valeurs nutritives. 6000 km plus tard, on réinjecte le jus concentré, la pulpe séchée avec de l’eau et du sucre. On fait un joli packaging, un bon marketing et les gens achètent. La marque et le distributeur se font une bonne marge et le client se fait berner avec l’idée de boire un verre de jus d’orange gorgé de Soleil. Tout d’un coup, je prenais conscience que l’industrie des jus de fruits étaient aussi polluante que la prospection pétrolière. Un de mes amis d’enfance, travaille sur les plateformes pétrolières en Angola. Il me disait qu’il n’existait pas de forage propre contrairement aux matraquages publicitaires que les groupes pétroliers nous assènent. Il s’occupait de former les jeunes recrues pour la maintenance des équipements. La règles du serrage de boulon était « à fond plus un tour… » Évidemment, la plateforme transpirait du pétrole de partout et les dommages écologiques étaient terribles à son voisinage. Le transport du jus d’orange concentré était effectué par un supertanker tels que ceux empruntés pour le transport du pétrole…

Du coup, je prenais conscience que je participais passivement à polluer la planète, non seulement en prenant de l’essence pour ma voiture mais aussi en buvant du jus d’orange en bouteille. Depuis, je bois de l’eau, ou je presse mes propres oranges, je marche plus et je prends souvent le vélo ou le taxi. J’ai converti ma vieille auto au bio-éthanol, et je ne l’utilise que rarement. J’aime toujours la mécanique comme un loisir, alors je réduis mon empreinte carbone.

 

Le Respect

Venant d’un milieu modeste, mes parents étaient artisans boulanger-pâtissiers et chocolatiers, il était primordial de donner du sens à ce que l’on mangeait. Chez nous, rien n’était gâché. La nature, les plantes, les animaux avait été sacrifiés pour nos repas et des femmes et des hommes s’étaient donnés du mal pour remplir nos assiettes. La nourriture devait être respectée, nous étions des privilégiés. J’y ai appris les choses vraies qui se disent sans détour, sans les formes, ni concessions : « tu ne chies pas où tu manges » et « on ne fait pas de chocolat avec de la merde ». Bref, mes parents se fournissaient ou échangeaient avec les artisans du coin, les petits producteurs et nous avions nos habitudes au merveilleux marché couvert de La Rochelle. La qualité des aliments et la cuisine de mes parents, l’amour de ses derniers, m’ont permis une bonne croissance et un certain esprit critique vis-à-vis de la nourriture. Apprécier les bonnes choses demande d’être éduqué et ne pas avoir un palais déformé par des excès de sucré et de salé.

 

L’esprit sur le corps et sur l’environnement

Tout ce que l’on consomme, nous transforme et transforme notre environnement. En biologie, décrire une cellule sans son environnement n’a pas de sens. Comment se nourrit-elle, d’où tire-t-elle son énergie, comment se protège-t-elle ? Il en est de même pour un patient qui arrive à l’hôpital pour recevoir des soins. On va évaluer ses constantes métaboliques puis on va le questionner sur son environnement : milieu familial et social, travail, habitudes alimentaires, loisirs, sport… Dans notre société, pour se nourrir il faut travailler ou être aidé. J’ai la chance d’avoir un travail qui me plaît et qui me nourrit l’estomac et le cerveau. Mon empreinte carbone et celui de mes employés sont limités dans le sens où ils peuvent travailler de chez eux et je ne les oblige pas à venir ou repartir dans les heures de grandes affluences. Aux US bon nombre de sociétés High Tech partent de la Silicon Valley où la route 101 est devenue impraticable. Ces compagnies s’orientent vers des états plus propices au bien être comme la Caroline de Nord.

De plus, ça leur permet d’échapper aux prédateurs comme Google qui vident régulièrement leur grenier à ingénieurs. A propos des US, les américains ont mis du temps à comprendre pourquoi nous les français avions cette habitude de sacraliser ce qu’ils appellent « la bouffe ». Aujourd’hui, les cantines de Google, Amazon ou Microsoft ont fait des progrès considérables. Le temps de repas du midi s’est allongé. Les plats sont plus variés et équilibrés. Les quantités sont réduites. Tous les couverts sont biodégradables et les calories sont affichés sur tous les plats. Il serait bien qu’il en soit de même dans leurs cantines scolaires. Me concernant, je mange de tout en petite quantité et j’ai pris pour habitude de ne pas manger plus que ce que je ne peux digérer. Bien que mes parents étaient artisans, et que la nourriture était abondante, je n’ai jamais connu d’excès. Ok, une fois, à l’époque du primaire dans le laboratoire de mon père où je boulottais comme des cheeseburgers, des pommes trempées dans la bassine à chocolat noirs, avec chantilly et amandes effilées… 3 jours de convalescence. Aujourd’hui, je ne fais pas de régime. Je n’aime pas gâcher la nourriture qui aurait pu servir à d’autres. Beaucoup me disent que je ne vois la nourriture que comme un apport calorique ou nutritif. Ils se trompent, étant fils de pâtisser, je sais à quel point prendre du plaisir est important lors de chaque repas. Mieux encore, avant ou pendant chaque rendez-vous professionnel tendu, je mange un gâteau au chocolat pour apporter suffisamment de récompense à mon cerveau. Ainsi ce petit moment de plaisir me permettra de passer les 2 prochaines heures relax.

Cependant, pour que l’estomac puisse recevoir et traiter les aliments correctement, il faut déjà le préparer « psychologiquement ». Il y a autant de neurones dans ce dernier que dans le cerveau d’un gros chien. Oui, l’estomac cogite… Il faut évacuer les sources de stress, dormir suffisamment, s’assurer que la voie est libre en pratiquant des jeunes intermittents de 14h à 16h. Ça me réussit plutôt bien. Inutile de manger trop alors que l’on digère mal. De même inutile de faire du sport alors que l’on se sent trop fatigué et pas concentré sur ses mouvements, il peut y avoir des effets néfastes sur le corps. Entre-autre, j’évite le sucre et les aliments transformés. Bien entendu, rien n’empêche le fameux « Cheat meal » de la semaine où l’on peut éprouver son estomac par un repas copieux avec ses amis. Le corps est fait pour suivre une ligne, s’en écarter peut provoquer des modifications métaboliques désastreuses tant sur les aspects physiques que sur le mentale. Pire encore, la prise de poids est anxiogène et pousse à manger encore, et encore plus gras. Mes parents m’ont donc vacciné contre la « malbouffe » et ses excès. Le point est que je ne veux pas surconsommer. Prendre du plaisir d’accord, mais pas au détriment de l’environnement. Aussi, il est important de connaître la provenance de nos aliments. Point important, nous mangions la nourriture produite par mes parents ou notre réseau, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’industriels. Une anecdote effrayante, la fois où une responsable d’une marque célèbre de boisson gazeuse me tendit une cannette avec mon prénom dessus, avec l’indication 0 (zéro sucre) : « tiens c’est pour toi, nous, nous n’en buvons pas chez nous… » Quand je lui ai demandé « Pourquoi ? », elle m’a expliqué d’un air décomplexé, le processus de fabrication. Elle en était consciente et ça n’était pas jolie à entendre. En tout cas, elle n’en donnerait pas à ses enfants!

Nous pourrions aussi évoquer les normes sanitaires entre les artisans et les industriels, mais nous nous écarterions du sujet…

 

Prise de conscience, responsabilité et bilan carbone

Chaque acte a un impact sur l’environnement, ses proches, son réseau, sur la Nature. Chaque chose que je mange, chaque produit que je consomme, chaque seconde d’énergie que je brule ont un impact plus ou moins important sur mon environnement. Vivre en bonne intelligence avec son environnement est devenu plus que nécessaire avec la disparition progressive des ressources. En astrobiologie, si l’on regarde nos planètes voisines que son Vénus et Mars on a une petite idée du futur de la Terre. Vénus, effet de serre, l’atmosphère y est saturée d’acides. Mars, il n’y plus de noyau magnétique d’où une perte d’atmosphère rendant la vie impossible. Entre les deux, la Terre qui est à un point d’équilibre fragile, température, atmosphère, pression, tout est propice à la vie pour plusieurs millions d’années, mais il ne faudrait pas écourter ce temps par une industrialisation combinée à une consommation sans conscience. La surproduction, la performance, la compétition provoquent des déséquilibres, du gâchis, de la frustration. Le partage, l’échange et l’empathie peuvent aider à mieux gérer les pénuries et à la répartition des richesses. La phrase de Gandhi : « la Terre a suffisamment de richesse pour tous, mais pas assez pour l’avidité de tous. »

 

La gestion des ordures, le recyclage, les énergies renouvelables et le jardinage

Les capacités d’une société à traiter ses ordures, à les transformer et à les valoriser, sont des signes clairs d’évolution des consciences. L’obsolescence programmée des produits est enfin aujourd’hui montrée du doigt. Qu’une entreprise fasse des profits, certes, je suis entrepreneur, c’est un objectif important pour les actionnaires, les employés, les banques… Mais ça ne doit pas être au détriment de l’environnement. C’est-à-dire qu’il faut prendre soin autant de l’impact écologique que du bien être des collaborateurs. De plus en plus de vidéos sur Internet donne des astuces pour recycler les objets et leur donner une deuxième vie. Les énergies renouvelables deviennent de plus en plus abordables. On assiste à une démocratisation ces dernières années. Des villes sinistrées comme Détroit aux US ont su faire face à la crise en échangeant entre habitant de l’énergie contre de la nourriture. Ils ont transformé des espaces industriels abandonnés en des jardins sauvages. Le jardinage est non seulement une source de plaisir et de nourriture, mais il a aussi une valeur éducative importante. De plus en plus de kits de jardinage sont disponibles pour les enfants des grandes villes. Ils peuvent prendre conscience de ce que peut apporter la nature avec un peu de temps.

 

OGM

Je ne peux pas oublier de parler des OGM et de l’impact sur l’environnement. Aujourd’hui, parce que le publique en a une très mauvaise image, l’INRA a vu ses budgets et ses plantations détruites. Du coup, les seuls capables de continuer les recherches sont ceux qui nous en vendent et qui contrôlent le marché. Beaucoup de fruits et légumes sont déjà OGM comme l’orange par exemple qui n’existait pas dans la « Nature ». Être pour ou contre est une chose, être bien informé en est une autre. Lorsque le généticien place un gène d’épinard dans l’ADN d’une orange pour la rende résistante au froid, est-ce la même chose que s’il place un gène de porc pour la rendre résistante à certains insectes. Du point de vue éthique ou sanitaire? Et quel est l’impact sur l’environnement, les ressources consommées en eau, phosphore, nitrate…

Comment la nouvelle plante va-t-elle agir avec les autres espèces ? Aujourd’hui, nous n’avons ni le recul ni l’information scientifique qui nous permette de trancher la question des OGM car le sujet est biaisé. Du coup, quand je ne connais pas le fournisseur ou le producteur, dans le doute, je fais confiance à l’étiquette qui commence par 9xxx ou 4xxx en pire cas.

 

Élevage intensif et souffrance animale

Le débat s’est enfin ouvert il y a quelques années. Il y a eu les problèmes sanitaires avec la maladie de la vache folle et de la grippe aviaire. Puis, les problèmes de rejets de méthanes et la surconsommation d’eau qu’entraîne les élevages de bovins. Enfin, l’élevage intensif et la condition animale sont devenus des sujets importants. Mon grand-père m’emmenait pêcher en mer au large de La Rochelle. Pour ceux qui croit que les poissons souffrent moins que les animaux terrestres, essayer d’apprécier le spectacle d’une roussette qui se tord de douleurs avant d’être achevée sur le ponton du bateau. Elle pleure comme un petit chaton (si c’est encore la peine de préciser). Ce n’était pas « fun » pour moi la pêche en mer. Du point de vue de mon Grand-père, c’était juste la loi de la Nature qui s’appliquait. « Les gros mangent les petits » et ça nourrissait la famille. En revanche, je ne comprends pas ceux qui en font un sport, un spectacle et qui mutilent les animaux pour le « fun » ou « la beauté du geste ». Là, c’est « la loi du plus fort » qui s’applique. Comme le dit mon ami Bernard : « Ne pas confondre traditions et mauvaises habitudes ». Au-delà de ces considérations, il y a bien entendu le problème écologique et le déséquilibre provoqué par la pêche intensive et l’élevage industriel. Toute cette souffrance inutile… Cette production sans conscience…

 

Conclusion

Certes cet exposé tire surtout sur les problèmes liés à l’industrialisation galopante. C’est pour moi, le principal ennemi de l’écologie. Le profit, l’argent, le pouvoir, tous ces grands groupes soutenus par les banques qui n’ont pas de comités d’éthiques ni écologiques… Les meilleurs alliés de l’environnement seraient sans doute l’éducation et l’empathie. Les consommateurs, vous et moi, doivent se renseigner correctement sur les biens que nous consommons. La transparence des procédés de fabrication et d’acheminement des produits devrait être obligatoire. C’est un point fondamental de confiance, de santé publique, d’équité et d’écologie. Plus modestement à mon échelle, il n’y a pas un jour où ces sujets ne sont pas évoqués. Échangez avec votre réseau de contacts et d’amis, éveillez les consciences, c’est notre salut.

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